Les centres de détention de l’immigration ne sont pas dignes d'un pays moderne« Thailand 4.0 » est une expression typique qui désigne le gouvernement militaire du pays, mais le système de détention de l’immigration est une relique des siècles passés. La nécessité de le réformer ne relève pas seulement de l’humanitaire, mais de l’économie, du social et de la politique.A commencer par le centre de détention Suan Phlu. Les correspondants étrangers de la BBC, de Al Jazeera, The Nation, et des correspondants nombreux de toute l’Asie ont largement fait état des conditions des IDC (Immigration Detention Centers), qui sont des endroits honteusement primitifs.
La zone des visiteurs n’a pas de mur, pas de discrétion – deux clôtures de barbelés avec un espace au milieu. Comme des animaux dans un zoo, les détenus et leurs visiteurs se pressent près des clôtures, criant au milieu de bruits assourdissants. Une fois l’heure des visites terminée, les détenus sont fouillés et reconduits à leurs cellules.
A l’intérieur, les rapports d’Amnesty notent que les règlements officiels allouent un minimum de 1,19 mètre carré par personne, et dans les pires cas les détenus doivent dormir debout. Les cellules sont séparées par sexe et les apparences ethniques. « Cellule 8 pour les Noirs, Cellule 11 pour les bruns » affirment les visiteurs. L’article 54 de la loi de l’immigration prévoit que la nourriture est à la charge des étrangers, tous les détenus doivent acheter les biens nécessaires à l’intérieur du centre à un prix déterminé. Le pain et le papier hygiénique sont des denrées convoitées. Même l’eau potable doit être achetée.
Les conditions sont pires que dans les prisons.D’après le Projet global de détention, la durée de détention est de trois jours à 12 ans, avec les demandeurs d’asile ou des réfugiés qui y sont deux ans avant que leurs dossiers soient étudiés. C’est sur eux que le système de détention a le plus d’effet. En 2017, la mort d’un Pakistanais et celle d’une jeune Rohingya de 15 ans ont révélé le côté sinistre du système de détention en Thaïlande.
Il y a 22 centres de détention dans le royaume, recevant les immigrants illégaux tels que définis par la loi. D’après cette loi de 1979, tout visa dépassé doit être considéré comme une violation de la loi.Comme la Thaïlande n’est pas signataire de la convention des réfugiés de 1951, ces immigrants dits illégaux comprennent aussi des demandeurs d’asile et des réfugiés, souvent en attente d’un troisième pays. Ce sont surtout des Rohingyas, des Somaliens, des Palestiniens et des Pakistanais.
La plupart des détenus ont été appréhendés lors d’une action de répression du gouvernement en 2015 alors que plus de 9 000 étrangers ont été arrêtés selon le vœu du premier ministre de réduire l’immigration illégale de 80% . Cela donna lieu à la rédaction d’une liste noire en 2016 pour les contrevenants punis d’un bannissement de longueurs variées.
Depuis, ces arrestations se sont calmées en raison du coût qu’elles représentaient.Malgré l’appel à la transparence, le gouvernement répugne à allouer à ce type de détention des budgets réservés au système de détention de tout le pays. En l’absence de représentants officiels, il est difficile de connaître ce système. Mais, à cause du coût élevé de ces opérations, à travers le monde, la détention a été sérieusement revue à la baisse comme solution aux problèmes des sans –papiers. Et bien que le l’état pourvoit à de nombreux services, tous ces services sont financièrement à la charge du gouvernement.
Une étude de l’Union européenne révèle qu’en Autriche le coût s ‘élève à 4 700 bahts par jour, en Belgique à 7 000 bahts, en Angleterre à 6 400. Aux USA à seulement 3 000 – 4 000 par jour. Aucun de ces coûts ne comprend les frais de déportation. Alors que certains officiels thaïs croient que ces frais sont moindres en Thaïlande, le coût à la longue sur des centaines de détenus doit être tout de même substantiel.
Et surtout que la simple existence de ce type de détention est reconnue comme inhumain – avec critique à l’appui du Comité de l’ONU pour les droits de l’enfant, des droits de l’homme – sans compter les coûts indirects. Puisque certains des détenus sont des réfugiés et d'autres n'ont simplement pas de visa, aucun n'est vraiment un délinquant. Par ailleurs, la Thaïlande ayant régressé dans la zone 3 (la pire) en 2014 pour le trafic des personnes, en raison des abus de l’industrie de la pêche, l’aide américaine a été abruptement réduite.
Alternative à la détention.De multiples expérimentations ont été tentées à travers le monde sous différents systèmes juridiques.
En 2004, les Etats-Unis ont introduit un programme où les sans-papiers, particulièrement vulnérables s’ils sont réfugiés ou demandeurs d’asile politique, et surtout les enfants, sont dispensés de la détention par un bracelet de repérage. Ce programme n’est pas parfait mais est plus humain et moins coûteux, à raison de 30 à 500 bahts par jour. Un programme semblable est en vigueur au Canada comprenant l’obligation de se présenter périodiquement, des visites aux domiciles des réfugiés ou demandeurs d’asile. Au Mexique, des « maisons de réfugiés » sont utilisées plutôt que des centres de détention pour les populations vulnérables, ces maisons étant sponsorisées par les églises. La Thaïlande a déjà déclarée « le pays le plus généreux » en termes de donations religieuses mais cet argent sert à construire des temples rutilants ou est détourné par les bonzes. On pourrait prendre exemple sur les églises du Mexique pour recueillir des donations chez les bouddhistes.
Une réforme sur papierCertaines associations ont déjà proposé au gouvernement des réformes des centres de détention, mais il semble que ces promesses soient restées sur le papier. L’une de ces associations a un triple but : mettre fin à la détention des enfants, s’assurer que les alternatives à la détention soient légales et faciles à appliquer, que si détention il y a on applique les standards internationaux.
En 2017, on avait convenu que la détention des enfants serait réduite à zéro. Mais si on visite les centres, on voit qu’il y a toujours entre cinq et dix enfants en détention, certains assez jeunes pour se retrouver dans les bras de leurs parents. Une jeune chrétienne du Pakistan cherchant l’asile politique est très embarrassée de se retrouver derrière les barreaux. « Je suis en sécurité jusqu’à 18 ans, mais où irai-je sans mes parents ? »
Les standards de la Thaïlande pour assurer la protection à tous les enfants selon la convention des droits de l’enfant se trouvent sans consistance si on met des enfants dans des centres de détention sans leurs parents surtout quand ceux-ci se trouvent coincés dans des cadres légaux restreints.Aussi, les autorités thaïlandaises, selon l’article 17 de la loi de l’immigration, assurent le droit de résidence temporaire pour les réfugiés en attente d’une immigration dans un troisième pays. Toutefois ce système de « liberté conditionnelle » n’est plus appliqué depuis que le premier ministre a approuvé des mesures sévères en 2015. Amnesty international blâme le gouvernement pour la révocation des « libertés conditionnelles » ou pour la déportation sans droit de regard juridique.
Pendant ce temps, la situation se détériore par le surpeuplement. Les détenus doivent dormir à tour de rôle. Selon un Pakistanais chrétien « si on bouge une jambe, on perd sa place. "
On ne peut croire qu’une économie qui se veut moderne puisse voir le jour sans des réformes des institutions adaptées au monde global.
Lors d’un panel sur l’infrastructure juridique de la Thaïlande, le Docteur Surakiart a blagué : « Ce n’est pas la Thaïlande 4.0 mais la Thaïlande 0,04 ! » C’est une blague mais la réalité qu’elle couvre ne l’est pas. Les mêmes forces nationales qui se concentrent pour la transformation technologique sont aussi celles qui créent des structures pour l’immigration qui exige que l’on pense au-delà de l’état-nation.
Alors que les plus pauvres des Thaïs sont envoyés en Israël, à Singapour, en Corée du Sud et aux USA pour y travailler à vil salaire, il devient évident que le programme économique est solidaire de la migration globale dans le monde, y compris pour l’asile politique et les réfugiés.Les réformes donneraient plus de liberté aux détenus vulnérables et réduirait significativement les coûts budgétaires de la détention. Elles donneraient surtout plus de crédibilité à l’attention supposée aux droits de l’homme de la part du gouvernement.
Ce qu’on attend, c’est une volonté ferme du gouvernement de considérer ces réformes des IDC comme faisant partie de vues purement économiques. Le but de ces réformes est de rapporter de l'argent et de la crédibilité à la Thaïlande et non de faire plaisir aux défenseurs des droits de l'homme.
https://fr.thaivisa.com/forum/topic/11212-les-centres-de-d%C3%A9tention-de-l%E2%80%99immigration-ne-sont-pas-dignes-dun-pays-moderne/